Virginie Otth | Photographe

Compositions d’odeurs

Photoforum

2019

Compositions d'odeurs et cadre d'enfleurage,

Faire sentir, donner à voir.
Susciter une odeur, un parfum ou le souvenir de celui-ci.
Dans le cadre de l'exposition "Sillages" au Photoforum en 2019. Curatrice: Danaé Panchaud

Chaque composition d’odeurs propose une image mentale d’une juxtaposition de photographies faisants appel à notre mémoire olfactive.
Dans ce jeu-là: la question d’une mémoire partagée est sans cesse reposée.
Une métaphore comme une entrée en matière dans la perception olfactive, ce sens au sujet duquel on est souvent peu instruit, où le vocabulaire manque.
J’émet l’hypothèse que les images, et plus particulièrement les photographies pour leurs indices réalistes, évoquent de manière mystérieuse des souvenirs d’odeurs. Je cours après des traces illusoires d’images et de parfums oubliés. Ce sont des récits fragmentés, des instants évanouis qui parfois réapparaissent par une image ou une association de couleurs, de matières.

01_composition d’odeurs, boisée.
Note de tête: bouquet de fleurs de montagne
Note de coeur: la cuisine du chalet et la peau d’un amant
Note de fond: mousse d’automne
Note animale: fumier

02_composition d’odeurs, fruitée.
Note de tête: cascade minérale
Note de coeur: le tee-shirt porté plusieurs jours
Note de fond: huile de moteur et pommes mûres
Note animale: les entrailles

03_composition d’odeurs, poudrée.
Note de tête: la mémoire des draps
Note de coeur: l’enfance entre morve et nuque d’enfant
Note de fond: poussière de musée
Note animale: billets usagés

04_composition d’odeurs, aquatique.
Note de tête: iris
Note de coeur: mer et crustacés
Note de fond: métallique
Note animale: poulpe

05_composition d’odeurs, antiseptique.
Note de tête: mercurochrome
Note de coeur: le sang chaud
Note de fond: champs de papier et latex
Note animale: incision dans la chair

Photoforum. Sillages.
Cinq compositions d’odeurs et un cadre d’enfleurage.

Faire sentir, donner à voir.

Cadre d’enfleurage, 2019.
Cette proposition est basée sur la technique de l’enfleurage à froid, technique d’extraction qui consiste à déposer chaque jour pendant des mois, des pétales de fleurs sur une émulsion de graisse dans laquelle les senteurs vont se transférer petit à petit. Je vois un parallèle entre cette technique d’empreinte d’odeur et l’empreinte photographique, où l’image se dépose le temps d’une exposition à la lumière, sur une émulsion d’argent.
Cette prise d’odeur dans la petite salle du Photoforum durera le temps de l’exposition, soit deux mois. Il y a dans cette idée une réflexion sur le médium, les enjeux techniques et poétiques de comment conserver une odeur ou une image. Ce fantasme absolu de retenir quelque chose du temps, d’une émotion. L’objet fait référence à la photographie avec un trépied photo et l’allusion à la chambre noire ou au cadre photographique. Il fait également référence à un persepctographe, un cadre qui permettait aux peintres de tracer une vue en perspective avec un écran comportant une grille, comme le portillon de Dürer.
Il y a un aspect performatif à cette pièce, en effet, un gardien/une gardienne du musée effectuera le geste répétitif de disposer délicatement les pétales sur l’émulsion de graisse, mais aussi de les enlever quotidiennement pendant les heures de visite. La pièce se remplira donc chaque jour un peu plus du parfum des roses. Janvier est un mois particulièrement avare en floraison, mais des anciennes roses venues du nord de l’Italie seront livrées chaque jour pour ce projet.
Au terme de l’exposition, un parfum Sillages sera créé à partir de l’émulsion récoltée et transformée.